Qui êtes-vous et que faîtes-vous ?
Je m'appelle Michel Lévy-Provençal, je suis le fondateur de la conférence TEDx Paris qui a été la première conférence TEDx européenne à avoir été organisée en mai 2009. Quelques mois plus tard cette première édition a eu un retentissement assez surprenant. Je ne m'attendais pas du tout à ça, sachant que moi je ne viens pas du tout du milieu événementiel, j'ai fait ma carrière dans le monde du digital en commençant à travailler sur ces sujets à partir de 1996.
Je me suis intéressé à l'événementiel par l'intermédiaire de TED. C'était une source d'inspiration fantastique pour moi et j'avais envie d'aller plus loin que simplement écouter ces intervenants passionnants en identifiant, en sourçant et en organisant moi-même des rencontres avec des nouvelles personnalités qui ont des idées fortes, inspirantes.
Je crois beaucoup à l'innovation par des acteurs qui ne sont pas natifs d'un domaine particulier. L'innovation vient de l'extérieur, pas de l'intérieur. C'est ce qui explique à mon avis aujourd'hui que l'on soit perçu avec mon équipe, après 7 ans d'expérience sur ces sujets là, comme étant des innovateurs dans l'événementiel, parce que ce n'est pas notre métier de base.
C'est parce que l'on a réinventé un peu à la fois des formats, l'usage de l'internet, la construction de communautés, parce que nous venions de l'extérieur et pas de la corporation des acteurs de l'événementiel. Je suis aussi le fondateur d'un autre événement qui s'appelle L'échappée, qui est plus qu'un événement. C'est en réalité ce que l'on appelle un "do-tank", c'est à dire un lieu et un moment à la fois où l'on réfléchit et l'on s'engage pour des projets qui utilisent l'innovation en faveur de biens communs.
C'est un événement qui est aussi organisé entre une et deux fois par an. Cette année, on organise deux événements : le prochain aura lieu du 27 au 29 mai 2016 à 40 km de Paris pendant un weekend au cœur de la nature, 1000 personnes autour de 40 intervenants, 50 initiatives, 10 projets exposés, aussi bien de l'inspiration, de l'expérience que de workshop.
Comment êtes-vous devenu un bon orateur dans un pays qui n'a pas la culture de l'oral ?
La question de l'art oratoire est une question qui est assez complexe. On pense que le monde de l'événementiel et principalement les gens qui sont sur scène, sont des personnalités qui ont un don, qui ont cette capacité à galvaniser les foules, à délivrer un message ultra impactant par simple don, par une qualité innée. C'est faux, ça se travaille !
A tel point que l'on s'en est rendu compte au premier jour de l'organisation de nos événements TEDx. Il était compliqué de générer cette magie qu'a le public quand on est à un événement de type TED. En effet, un événement où la salle est rivée sur l'intervenant, où les gens rient, pleurent, se lèvent, ça se travaille, ça n'est vraiment pas inné !
C'est pour cela que l'on a, avec mon équipe, créé une startup qui est spécialisée dans l'accompagnement à la prise de parole en public qui s'appelle Brightness. C'est l'agence qui organise notamment les conférences TEDx et L'échappée. J'ai par ailleurs écrit une méthode d'accompagnement à la prise de parole en public : Révélez le speaker qui est en vous !
Pour répondre à votre question, j'ai fait un peu de théâtre quand j'étais jeune, un peu de tv, ça m'a un peu aidé dans mon métier aujourd'hui. Dans l'appréhension du public, de la scène, j'ai quelques réflexes que j'ai acquis quand j'étais gamin. Mais chaque intervention que je donne, ou que j'accompagne est travaillée, préparée, répétée. Personne ne monte sur notre scène sans avoir au moins répété son intervention au moins 3 fois, c'est la base du métier.
Que représente l'événementiel pour vous ? Comment avez-vous appréhendé ce nouveau territoire d'expression ?
Ça s'est fait un peu sur le tas. On s'est retrouvé avec une petite équipe à devoir organiser des événements de plus en plus importants, de plus en plus ambitieux. La première année à l'Espace Pierre Cardin avec 900 personnes, la deuxième année à l'Olympia ensuite le Théâtre du Châtelet avec des choses de plus en plus importantes.
Des moyens techniques de plus en plus importants, des TV qui étaient présentes pour retransmettre ces conférences sur leurs antennes, des intervenants toujours plus compliqués à préparer, parce que notre particularité n'est pas d'aller chercher des personnalités connues et reconnues du Grand Public. Car avec ces personnalités qui ont tout de même un peu l'habitude de s'exprimer ce n'est pas un travail qui va dépasser 3 réunions !
Par contre quand on va chercher ce que l'on appelle des signaux faibles inconnus du grand public, qui ont des idées ou des projets géniaux et qui n'ont pas l'habitude de parler sur scène, ce n'est pas 3 rdv, c'est 10 rdv ! C'est 10h de préparation par intervenant.
Ça nous donne plus de travail mais on a constitué une méthode de travail qui s'est inspiré à la fois du travail habituel de l'événement : ce qui va être la logistique évidemment. Un travail éditorial qui s'apparente à celui d'un journal, d'un media, de sourcing, de vérification et de construction d'une ligne éditoriale. Et enfin d'un travail de scène qui s’apparente assez à celui d'un réalisateur, d'un directeur d'acteur ou à celui d'un comédien. On s'est donc inspiré de ce savoir-faire qui vient de différents métiers pour construire notre particularité, notre singularité.
Je crois beaucoup à l'intersection et à la rencontre de disciplines très différentes pour faire émerger des idées nouvelles, des méthodes nouvelles et des formats nouveaux. C'est exactement ce que l'on a fait, le monde du théâtre et du spectacle, des médias et du journalisme et le monde de l'événementiel. Je rajouterais un 4e pilier qui est pour moi tellement naturel que j'ai du mal à le contextualiser, le digital.
Depuis le premier jour de ma vie professionnelle, je baigne dans ce monde là, à tel point que je ne le cite même pas. Le digital est le squelette, la colonne vertébrale dans tout ce qu'on fait : que ce soit dans la constitution de communautés, la diffusion de nos contenus, par la recherche de nos intervenants, que ce soit des outils de travail, à tout niveau nous sommes digitalisés.
Comment voyez-vous l'événementiel dans quelques années, notamment cette dualité entre le virtuel le réel ?
Ecoutez, je ne crois pas au tout ou rien. Je ne crois pas que le monde soit uniquement tout digital ou au contraire tout IRL (ndlr : In Real Life). Je pense que plus l'on avance, plus le monde va s'hybrider dans tous les domaines et à un point que l'on n'imagine même pas. Il y a certains sujets pour lequel l'hybridation va être fulgurante et révolutionnaire : le monde de la santé, de l'éducation je dirais même qu'à l'échelle de notre être on est de plus en plus hybride.
Il n'y a pas de raison que cela change dans le monde événementiel. On en a de plus en plus besoin dans nos vies professionnelles, on est de plus en plus connecté, on a de moins en moins de contact IRL, on a besoin parfois de se déconnecter pour se reconnecter à l'être, à l'autre, à la nature, à la vie.
C'est une part importante de notre activité : c'est de donner à nos membres de notre communauté la possibilité de se déconnecter pour se reconnecter à l'essentiel et donc organiser des événements au cœur de la nature où les gens passent ensemble un weekend ensemble complet, à vivre ensemble, à expérimenter et apprendre des choses ensemble, ça c'est absolument clé.
Là, la dimension technique s'efface pour donner place à l'essentiel et en parallèle, le digital, le numérique, les technologies sont de plus en plus présents. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que cela n'empêche pas de retransmettre l'ensemble des conférences en direct en utilisant les nouveaux canaux qui existent, que ce soit par de la vidéo, que ce soit par du présentiel.
Evidemment, la viralité des réseaux sociaux est un rôle clé à jouer pour la construction de notre communauté, la diffusion des contenus, le lien qui perdure entre les personnes qui se sont rencontrées, ça c'est absolument clé aussi.
Et plus on avance, plus on va intégrer cette dimension technologique, que ce soit constitutif des événements, avant les événements et après les événements. Donc je dirais que les deux dimensions sont nécessaires et seront présentes dans le monde événementiel : le retour à la déconnexion et à la vie réelle tout en conservant de plus en plus importante du numérique dans notre activité.
Qu'est-ce qu'un événement réussi ?
Je pense qu'un événement réussi tel que nous les concevons, c'est un peu Alice aux Pays des Merveilles, c'est à dire que c'est un événement dans lequel on fait des interstices, on créé des portes, des fenêtres dans lesquelles on rentre et qui sont des catalyseurs et qui lorsque l'on sort on est différent.
On est différent parce qu’on voit le monde autrement, parce qu’on a appris des choses, parce qu'on se sent dans une nouvelle dynamique, parce qu’on créé un lien particulier avec des gens qu'on n'aurait pas rencontré ailleurs. Pour moi un événement réussi c'est un événement qui nous a transformé.
Votre meilleur souvenir sur un événement ?
J'en ai beaucoup mais le premier qui me vient en tête, c'est mon premier TED. J'en suis sorti pour le coup transformé. J'ai vécu pendant l'espace de 5 jours un véritable marathon et en même temps une montagne émotionnelle : les rires, les larmes la découverte, la surprise, la curiosité, la rencontre, tellement de choses en l’espace de 5 jours.
Je m'en rappelle à l'époque où je travaillais chez France 24, la première chose que j'ai faite, j'ai invité tous mes collaborateurs pendant 45 minutes à écouter. Je leurs avais préparée une présentation pour qu'ils découvrent les grands sujets et les grandes idées que j'en avais tiré.
C'était un moment extraordinaire. Je me suis dis que je devais changer de métier, ça a été transformateur, ça a changé ma vie ! Ca parait fou de dire ça, mais ça a changé ma vie ! Quelques années plus tard, j'ai quitté France 24 pour continuer à travailler ces sujets là. L'événement est un prétexte, ce qui est important c'est le contenu, c'est notre passion et ce qui nous anime aujourd'hui.
Un dernier mot ?
Si vous voulez vivre un événement transformateur, appréhender les grandes révolutions qui viennent dans les 10 à 15 prochaines années, si vous voulez rencontrer une communauté d'acteurs du changement, des passionnés et qui en même temps agissent au quotidien, venez du 27 au 29 mai à l'Echappée à 40 km de Paris.
C'est un événement extraordinaire, il suffit d'aller sur lechappeevolee.com pour se renseigner sur l'événement. C'est un mélange entre TED, la Singularity University, Burning Man. C'est transformateur, ce que l'on prépare c'est véritablement une expérience à la Alice aux Pays des Merveilles, vous rentrez par un interstice, vous en sortirez différent.
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